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« Qui te pousse, ô homme, à abandonner ta maison, à t'en aller par monts et par vaux dans les lieux champêtres, sinon la beauté de l'Univers ! »

Léonard de Vinci

A mon père, André Jauniaux

jauniaux andré

Je collectionne les roches, les minéraux et les fossiles depuis l'âge de 14 ans.

Evidemment, ma situation était des plus idéales. Je vivais au milieu des carrières de pierre bleue d'Ecaussinnes et les ouvriers « carriers » me fournissaient du matériel.

A cette époque les législations (et les consignes de sécurité) étaient moins sévères et nous, les adolescents, trouvions toujours le moyen de sauter les clôtures et de braver les interdits.

J'ai également eu la chance d'avoir de très bons professeurs de géographie.

Le meilleur de tous fut sans aucun doute mon père. Je me rappelle avoir parcouru avec lui dans les moindres détails la vallée de la Sennette, cette ouverture dans le socle primaire de la Belgique, si bien représentée en petites bandes bariolées sur les cartes géologiques, mais aussi le vaste chantier du « Plan incliné de Ronquières ».

C'est lui aussi qui m'a entraîné à travers le monde entier.

Avec lui, j'ai arpenté la Chaussée des Géants en Irlande, gravi le Vésuve et l'Etna, campé dans la Caldéra des Solfatare de Pozzuoli, recherché du soufre dans les îles de Vulcano et Lipari, fait le tour du Caucase à l'époque où cela était, sinon interdit, strictement contrôlé par l'Intourist, l'agence de tourisme officiel soviétique, admiré les marbres antiques des îles grecques, les granites de l'ancienne Egypte,…

Il y avait au musée des sciences de Londres une salle complète des minéraux et fossiles de Grande-Bretagne. Je me souviens les avoir répertoriés dans un cahier et puis d'être parti en Ecosse, au pays de Galles et en Cornouailles, muni de quelques cartes d'état-major, pour retrouver les anciennes mines renseignées. A cette époque il y avait encore beaucoup de haldes accessibles dans lesquelles on pouvait trouver son bonheur…Elles ont toutes disparu ou se trouvent dans des propriétés privées bien gardées. Le musée a été transformé et les collections mises en caisse.

Grâce à lui, qui m'a donné ce goût immodéré des voyages, j'ai parcouru le Mexique, du Yucatan avec ses "cenotes", ces immenses grottes à ciel ouvert, à la Sierra Madre couverte de volcans, gravi le Popocatepetl et le Nevado de Toluca, ( en petite coccinelle jusqu'à plus de 3800 m d'altitude).

J'ai aussi vécu 3 ans aux Etats-Unis et les ai parcourus de long en large, de Fairbanks au Nord à Brownsville au Sud, de Miami à l'Est jusqu'à L.A. à l'Ouest. Que ce pays recèle de beautés naturelles ! protégées, préservées et…payantes… : le parc de Yellowstone avec ces étranges geysers, les canyons de l'Arizona et de l'Utah, la forêt pétrifiée, les montagnes rocheuses du Colorado, les déserts colorés du Nouveau Mexique, Yosemite et ses dômes de granite en forme de quart de sphère. J'en ai profité pour collectionner les quartz de l'Arkansas et les bois pétrifiés que l'on trouve un peu partout au Texas. A Houston, où tout le monde mourait d'ennui, je n'ai pas perdu un instant et me suis inscrit dans un club de minéralogie local, la Houston Gem and Mineral Society. Cela m'a permis de fouiller les endroits les plus reculés de cet étrange pays, désertique, tropical, atrocement chaud et humide.

Au Pérou, j'ai été attiré par les sommets de la cordillère des Andes autant que par les sites archéologiques bien connus comme Machu Pichu. Le petit train de Tintin m'a conduit au-delà du col du Ticlio (4881m) jusqu'au pied des mines de Cerro de Pasco, bien connues pour leurs magnifiques pyrites. En Bolivie, on pouvait aller en voiture jusqu'à la piste de ski la plus haute du monde, Chacaltaya,…5400m d'altitude…y courir, marcher, respirer, tenait de l'exploit…

En Inde, à Ceylan, au Népal, les pierres précieuses, les zéolites, les grenats et les quartz m'ont fasciné autant que la faune, la flore, les paysages et les millions d'êtres humains….

Au Maroc, il a bien fallu aller jusqu'à Erfout, en plein désert, pour se rendre compte de l'endroit où étaient prélevées toutes ces pierres polies couvertes de goniatites et d'orthoceras, il a bien fallu marchander avec le directeur de la mine de Mibladen pour acheter (très cher) quelques vanadinites…

En Chine, un autre monde m'attendait, avec les charbonnages du Nord, les étranges et spectaculaires massifs montagneux de Huangshan (la montagne jaune), ou de Zhangjiajie (la forêt de pierre du film "Avatar"), les trois gorges du Yangtsé à jamais englouties dans les eaux du plus grand barrage du monde.

Et puis, je suis revenu dans ces Préalpes calcaires que j'adore, notamment à Peyresq dans les Alpes de Haute Provence. Ce pays renferme des richesses incroyables au point de vue fossiles avec les célèbres ammonites déroulées de la fin du Crétacé, si difficiles à dégager et si (bien ?) protégées par la première réserve géologique de France. C'est aussi un lieu de prédilection pour les phénomènes karstiques en tout genre…Il suffit de les découvrir en parcourant les montagnes…Les minéralogistes ne seront pas déçus non plus avec les « quartz fenêtre » et les septarias du val d'Allos, les minéraux de cuivre des mines du Cerisier et de Cap Garonne.

Comme je le disais à un ami américain, un peu trop fier,…nous avons notre Canyon du Verdon, notre Colorado provençal à Roussillon, et nos Alpes sont tout aussi spectaculaires et vertigineuses que vos vallées de Yosemite, encombrées de touristes et que votre « Grand Teton »…

J'ai fait des études d'ingénieur chimiste, pour laisser la minéralogie et la paléontologie à l'état de passe-temps. Cela m'a permis de voyager encore,… Corée, Japon, Brésil…j'en ramenais des valises entières de cailloux, au grand désespoir des porteurs et des contrôleurs de bagages.

A cette époque, il y avait peu de cette affreuse télévision et de ces jeux virtuels. L'essentiel des loisirs se passait dehors, au grand air, entre copains. Maintenant ce n'est plus pareil. La télévision et les jeux vidéos ont rejeté à l'état de souvenir pour les nostalgiques les collections de minéraux et de fossiles (au même titre que les collections de timbres ou de pièces de monnaie).

Les musées de sciences naturelles tombent dans l'oubli, sauf si, par miracle quelques subsides leur permettent d'offrir aux masses incrédules quelques « américaneries » , quelques dinosaures articulés,….

Il est vrai qu'ils étaient particulièrement peu attractifs…ne montrant, dans des vitrines poussiéreuses, que des collections systématiques, sans aucune explication, …Le musée national de Prague en est encore un très bel exemple.

Et pourtant, jamais les communications et les échanges n'ont été aussi importants, grâce à Internet, grâce aux nouveaux moyens de communication.

Jamais, il n'a été aussi facile de se former et de s'enrichir l'esprit, non seulement par les livres mais aussi par la télévision, par les nouveaux logiciels, par Internet…par les « médias », diront les néologistes. Jamais il n'a été aussi facile de voyager, même de façon virtuelle.

Malgré cela, les sciences de la terre n'attirent plus les jeunes….

La moyenne d'âge du club est de l'ordre de 60 ans. Faut-il être retraité pour courir dans les montagnes, plonger au fond des carrières et des mines, suer sang et eau pour ramener le fossile, le minéral rare ? ou pour passer une bonne journée au grand air, en pleine nature, à l'abri des affreux ? Il est vrai que les sorties sont souvent interdites aux enfants, alors que bien encadrés, ils ne devraient pas faire plus de bêtises que les adultes fous que nous sommes…

Que faut-il faire pour que les jeunes (re)viennent aux valeurs sûres ? Ce ne sera certainement pas par les livres trop « hard », ni par les (mes) conférences trop ennuyeuses,….

Alors, profitez du moindre instant, prenez votre sac à dos et parcourez le monde avant qu'il ne soit trop tard…

Marc Jauniaux


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