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Centre de Minéralogie et de Paléontologie de Belgique
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Collectionner les minéraux en 2020
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© Texte et Photos : MJX, sauf indication contraire.

La visite d'un musée de sciences naturelles, la contemplation de la vitrine de cristaux multicolores qui trône dans le salon d'un ami, la découverte d'une pierre aux formes géométriques étranges lors d'un séjour en montagne, la boîte de cailloux héritée d'un vieil oncle qui a passé sa vie en Afrique, autant de motifs de susciter une vocation de collectionneur de minéraux.
La question se pose alors au candidat de développer sa collection à partir du noyau primitif dont il dispose.

Situation ancienne :

Afin de mieux comprendre les problèmes actuels pour assouvir ce genre de passion, il faut se rapporter à la situation qui prévalait il y a quelques dizaines d'années. Pour rassembler des échantillons il n'existe que deux possibilités : soit les récolter sur le terrain en Belgique ou lors de vacances à l'étranger, soit les acquérir dans le commerce spécialisé ou lors des bourses minéralogiques.
En Belgique, il était encore possible de visiter des exploitations minières en activité, mettant régulièrement à jour du nouveau matériel. Les haldes contenaient des pierres fraîches récemment extraites, tandis que les mineurs disposaient de spécimens qu'ils vendaient à bon compte pour améliorer leur fin de mois. Je me rappelle des mines de barite et de fluorite de l'Entre-Sambre-et-Meuse, de l'exploitation de barite et de « diamants» de Fleurus, des haldes encore accessibles de La Calamine, riches en minéraux de zinc et de plomb. D'autres sites non exploités permettaient de récolter de bonnes moissons à travers toute la Wallonie : phosphates de Blaton et de Haut-le-Wastia, ardennite et minerais de cuivre de Salmchâteau, ottrélite et vantassellite de Bihain, épidote de Quenast, calcite de Rhisnes et de nombreux autres lieux dont l'énumération serait fastidieuse mais qui hantent encore la mémoire de nombreux anciens.
A l'étranger, point n'était besoin de franchir des milliers de kilomètres pour visiter, en France, les mines de fluorite de Langeac (Haute-Loire), les galeries à sulfures de cuivre du Massif des Maures (Var), l'exploitation de sulfures métalliques de St Félix-de-Paillères (Gard), les mines de fer de Batère (Pyrénées orientales) et tant d'autres lieux exceptionnels. En Italie, les mines de pyrite de Toscane et de l'île d'Elbe, celles de cinabre du Monte Amiata ou de stibine de Peretta constituaient un paradis pour le récolteur, sans oublier la scheelite de Traversella, la ludwigite de Brosso et les grenats de Val Malenco ; en Autriche de nombreuses mines métalliques, telles que Mitterberg étaient accessibles ; en Tchéquie, il y avait notamment le choix entre Pribram (association exceptionnelle de sulfures), Jachymov (sulfures et uranium), Cinovec (zinnwaldite), Medenec, ancien Kupferberg (cuivre), au Portugal, le wolfram de Panasquiera ; en Espagne, le cinabre d'Almaden ; en Angleterre, les mines de cassitérite des Cornouailles, pour ne citer que des localités célèbres.
En ce qui concerne les acquisitions hors-terrain, c'est à dire les échanges et les achats, les possibilités étaient nombreuses. Etant donné que le amateurs ramenaient de fructueuses récoltes de leurs escapades sur le terrain, ils disposaient d'un stock varié de minéraux qu'ils pouvaient échanger avec des collègues qui avaient prospecté sous d'autres horizons. La variété était omniprésente et ces opérations ne nécessitaient aucun mouvement financier. Pour ceux qui souhaitaient acheter des pièces pour accroître leur collection, il existait en Belgique plusieurs commerces spécialisés où il était possible d'acquérir de bonnes pièces à des prix abordables. Des bourses minéralogiques étaient déjà régulièrement organisées qui rassemblaient surtout des amateurs écoulant les doubles de leurs récoltes et quelques marchands venus de l'étranger qui vendaient du matériel exotique de qualité, le tout à la portée de la bourse du collectionneur moyen.

Situation actuelle :

La possibilité de rassembler des échantillons s'est hélas fortement modifiée au fil du temps, tant en ce qui concerne la récolte sur le terrain que l'acquisition par monnaie sonnante et trébuchante. Nous passons ci-dessous en revue les données actuelles dans le même ordre qu'à la rubrique précédente.
Tant en Belgique que dans les pays voisins, on a assisté à la disparition de la plupart des exploitations minières. Ce phénomène a des causes multiples : épuisement des gîtes, explosion du prix de la main d'oeuvre, contraintes urbanistiques et environnementales. L'amateur n'a donc plus accès à du matériel récemment sorti et doit se contenter de fouiller des haldes, quand elles existent encore, dont le degré d'altération croît inexorablement. D'autre part, les mineurs qui se procuraient du matériel sur le front de taille ont depuis longtemps écoulé leur stock et n'ont plus rien à proposer à l'amateur. Les affleurements répartis dans la nature ont été surexploités, voire pillés (ardennite de Salmchâteau) ou sont strictement interdits d'accès pour des raisons de sécurité ou de protection du patrimoine. Ainsi par exemple, dans le canton français le plus perdu, il se trouvera toujours un protecteur de la nature pour signaler à la gendarmerie qu'un quidam tape le caillou sur un talus ou dans une carrière abandonnée, avec l'intervention pénible et pénale qui en résulte.

Venons en maintenant au volet des bourses minéralogiques. Si l'on excepte quelques manifestations haut de gamme telles que les shows de Tucson et de Munich, où le matériel de qualité, voire exceptionnel est présent, mais où les prix sont prohibitifs pour les amateurs tels que vous ou moi, les autres manifestations ont évolué d'une manière peu encourageante. Plusieurs types de stands sont en effet présents :

- Ceux de marchands professionnels ou semi-professionnels venant souvent de l'étranger. On les retrouve systématiquement à toutes les bourses de quelque importance, mais toujours avec le même matériel. Malgré la diversité du monde minéralogique et la richesse minérale de certains pays, il est frustrant de rencontrer toujours les mêmes Pakistanais avec de l'aigue-marine, les mêmes Brésiliens avec de l'améthyste, les mêmes Malgaches avec de la célestite, les mêmes indiens avec des zéolites, les mêmes Roumains avec la production de Baia Mare, les mêmes Congolais avec de la malachite polie ou non, les mêmes Marocains avec de la vanadinite et de l'azurite et surtout, depuis l'ouverture de la Chine au monde extérieur, les mêmes Chinois avec l'incontournable trio orpiment - fluorite - stibine, comme si l'inventaire minéralogique de la Chine se limitait à ces trois espèces.

Fluorite - Chine (coll RLS)
Fluorite - Chine (coll RLS)

- Ceux de vendeurs qui achètent en gros des cartons de minéraux à Sainte-Marie-aux-Mines et qui les revendent beaucoup plus cher au détail. Ce n'est pas critiquable car ils ont dû se procurer le matériel, louer une table et réaliser quelque bénéfice mais la diversité et l'originalité ne sont pas au rendez-vous. Pour les amateurs qui peuvent se déplacer, ils pourront acquérir les mêmes pièces à Sainte-Marie, souvent à moitié prix et en ayant l'occasion de découvrir les beautés de l'Alsace, de voir voler les cigognes et de déguster son vin blanc.
- Ceux enfin de vendeurs de Schmück, terme allemand pour désigner les objets de bijouterie ou de pacotille réalisés à base de pierres taillées ou polies, oiseaux du Brésil, colliers, bracelets, cendriers en malachite, ambre de la Baltique, etc. Ce genre de stands envahit de plus en plus les bourses et, bien que ce commerce soit tout à fait honorable, il n'a pas sa place dans des manifestations dédiées à l'origine aux objets de sciences naturelles. Bien que... le schmück permet aux dames de passer agréablement le temps pendant que le conjoint scrute les minéraux. Ce qui est par contre regrettable c'est qu'il envahisse de plus en plus les tables de marchands de minéraux car ce matériel se vend plus aisément.
- Ceux de diffuseurs de pierres affublées d'un pouvoir spécial, accompagnant leurs cailloux d'une littérature ésotérique. Ce sujet ne sera pas discuté ici car il mérite à lui seul un long article (cfr ( La lithothérapie ).
- Ceux enfin, et ce sont les plus intéressants mais aussi les plus rares, qui proposent des minéraux pas nécessairement spectaculaires mais originaux : Collections historiques anciennes, trouvailles personnelles, macles, minéraux fluorescents, anciens ouvrages minéralogiques.

Le nombre de marchands de minéraux et d'objets de sciences naturelles a fondu comme neige au soleil. Ils ne constituent donc plus une source d'approvisionnement traditionnelle pour les amateurs. Ce phénomène est certainement dû à une absence de renouvellement de la clientèle.
Il faut hélas constater un manque d'intérêt de la jeunesse pour la collection, que ce soit de minéraux ou d'autres objets. Les jeux vidéos et internet ont eu raison de ce type de passe-temps. Une preuve en est fournie par la moyenne d'âge des membres de clubs d'amateurs de minéraux. De trop rares jeunes y côtoient des troupes de prépensionnés et de retraités.
La constitution d'une collection diversifiée et spectaculaire tout en ne disposant pas d'un budget très important appartient à une époque révolue. L'amateur ne doit toutefois pas renoncer pour autant, à condition de changer d'orientation.
Il est possible de rassembler une collection passionnante à condition de se fixer d'autres objectifs : l'illustration de la diversité minéralogique d'une région (les anciennes carrières de Vielsalm, par exemple, permettent de collecter de nombreuses espèces) ; la collecte des différents faciès cristallins d'une même espèce (le quartz et la calcite constituent un matériel de choix) ; les minéraux fluorescents; les micro-minéraux qui occupent peu de place, sont facilement échangeables et n'ont que peu de valeur commerciale. Si vous disposez d'importants moyens vous pourrez toujours acquérir à grand prix de la tourmaline multicolore du Brésil, de la rhodochrosite de Home Sweet Home mine, de l'azurite de Tsumeb ou de l'or du Klondyke mais je doute que beaucoup de lecteurs de cet article soient en état de réaliser ce rêve.

II est intéressant de rappeler :

Concernant la situation ancienne :

- de nombreux Belges ont travaillé au Katanga (ex Shaba) et en avaient ramené de nombreux minéraux de cuivre et d'uranium parmi lesquels plusieurs nouvelles espèces ont été découvertes.

- les mineurs Siciliens qui travaillaient dans nos charbonnages ramenaient de leur vacances au pays de superbes minéraux provenant de mines depuis longtemps fermées (soufre, aragonite, célestite, gypse).

>- la chute du mur de Berlin avait permis l'arrivée de nombreux minéraux des pays de l'Est (stibine de Kremnica en Slovaquie, soufre de Machow en Pologne, galène de Madan en Bulgarie, quartz de l'Oural en Russie, wulfénite de Mezica en ex-Yougoslavie,...).

Concernant la situation actuelle :

- les petits « gratteurs » ont disparu des bourses à cause du prix élevé des emplacements. On se souviendra des vendeurs de quartz avec sidérite de Vizille dans les escaliers du théâtre à Sainte-Marie-aux-Mines ainsi que de ceux auprès desquels il était possible de se procurer, à Turin, des quartz à inclusions de galène ou parsemés d'anatase en provenance du Cervandone.

- quant au « Schmück » ! That's the question ! L'organisateur d'une bourse doit rentabiliser le coût de la location d'une salle d'exposition, souvent très élevé dans les grandes villes. D'où, s'il n'a pas suffisamment de candidats vendeurs de minéraux et/ou fossiles (absents sans doute à cause du manque de vrais amateurs) il devra laisser la place aux marchands de ce fameux « Schmück ».

Michel Deliens
remis à jour par Marc Jauniaux


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